Le Gout secret des émotions
Valence des émotions : comprendre, accueillir et transformer nos ressentis
Explorez la valence des émotions, le gout secret des émotions : pourquoi nous jugeons nos ressentis, comment les accueillir sans honte et mieux vivre avec nos émotions difficiles.
Il y a des lectures qui s’imposent à vous sans prévenir — ce fut le cas l’autre jour: un tiers des personnes interrogées dans une étude internationale ressentent de la honte lorsqu’elles éprouvent des émotions dites « négatives » : tristesse, colère, peur. 30% se méprennent à propos de la valence des émotions. Cela m’a frappé. Car que nous dit cette statistique, sinon que nous vivons sous la tyrannie d’une forme de positivisme forcené ?
À force de croire qu’il faut être heureux, joyeux, optimiste, nous en venons à rayer tout un pan de notre humanité. Et si ressentir du désarroi, de la douleur, était tout aussi sain, tout aussi « valable » que d’être en joie ?
Cet article est une invitation : à changer notre regard sur la valence des émotions, à nous autoriser l’inconfort, à reconnaître que chaque émotion porte un message. Les juger n’est pas les écouter. Et ne pas les écouter, c’est se couper de soi.
La valence, en psychologie des émotions, désigne la coloration hédonique d’une expérience : est-elle agréable ou désagréable ? Joie et amour ont une valence positive ; tristesse ou peur, une valence négative.
Mais attention : la valence n’est pas une mesure de qualité morale. Elle ne dit pas qu’une émotion est « bonne » ou « mauvaise », mais seulement comment elle est ressentie.
Une même émotion peut d’ailleurs changer de valence selon le contexte : la peur est paralysante dans un cauchemar, mais galvanisante dans un sport extrême. La tristesse est pesante dans la solitude, mais réparatrice dans un deuil accompagné.
La valence n’est pas l’intensité. On peut ressentir une forte colère avec une valence négative, ou une tristesse légère mais constructive. C’est là que commence l’intelligence émotionnelle.
Le cerveau émotionnel : valence des émotions et survie
Nos émotions ne sont pas des caprices de l’âme, mais des signaux élaborés par des millions d’années d’évolution. L’amygdale, le cortex préfrontal, l’insula… tous collaborent pour décoder une situation et produire une réponse adaptative.
Quand l’amygdale s’active, elle déclenche des réactions physiologiques : tension musculaire, rythme cardiaque, vigilance. Si on apprend à ne pas la craindre, mais à la lire, elle devient boussole.
Mais voilà : notre cerveau ne fait pas la différence entre un stress réel (danger) et un stress symbolique (jugement social). À force de nier nos émotions déplaisantes, nous les renforçons. Elles crient plus fort.
La tyrannie de la positivité sur la valence des émotions : pourquoi juge-t-on nos émotions ?
« Tu devrais voir le bon côté des choses. »
« Arrête de dramatiser. »
« Sois positif. »
Ces phrases, nous les avons toutes entendues. Elles se veulent rassurantes, mais souvent, elles étouffent. Elles posent une norme implicite : certaines émotions sont acceptables, d’autres non. C’est ce que la psychologue Susan David appelle la « tyrannie de la pensée positive ».
Le problème, c’est que lorsque nous enterrons au fond de nous la tristesse, la colère ou la peur, nous ajoutons un deuxième niveau de souffrance. La honte de les ressentir nous envahit.
La joie est d’abord bouleversante parce qu’elle est sincère. Elle jaillit aussi quand l’on s’est autorisé à ressentir tout le reste des émotions et à percevoir leurs messages.
Accueillir toutes les valences des émotions : pour une agilité émotionnelle
Imaginez une vie sans stress, sans colère, sans peur. C’est une vie sans risque, sans engagement, sans amour profond.
C’est une vie morte.
Accepter ses émotions, ce n’est pas tout céder à elles.
C’est les considérer comme des données, pas des directives. « Je ressens de la peur » ne signifie pas « je dois fuir », « ou me battre ». Cela signifie : « quelque chose d’important se passe, je suis en insécurité ».
Susan David parle d’agilité émotionnelle et de valence des émotions. L’idée est simple : être capable en fin de compte de ressentir sans se rigidifier.
Il est alors possible de faire de la place à l’inconfort et rester ainsi aligné avec ses valeurs.
La biologie des émotions : quand le corps parle
Derrière chaque émotion, il y a une réaction biologique précise.
Le rythme cardiaque s’accélère, les pupilles se dilatent, les hormones du stress (adrénaline, cortisol) sont libérées. Ces phénomènes corporels préparent l’organisme à réagir, fuir ou s’adapter.
La peur réveille ainsi le système nerveux sympathique, la sérénité active, au contraire, le parasympathique.
Le nerf vague, véritable pont entre corps et esprit, joue d’ailleurs un rôle clé dans cette régulation. C’est notre biologie qui nous invite à ressentir, ce n’est pas une décision consciente.
Le circuit des émotions : du cerveau au corps
Les émotions naissent dans le cerveau limbique, notamment l’amygdale, et se propagent au système nerveux autonome. Cette activation influence le tonus musculaire, le rythme cardiaque, la respiration.
Le cerveau préfrontal, plus lent quand à lui, intervient ensuite pour analyser, nommer, donner du sens.
Cette cascade explique pourquoi nous réagissons parfois avant de comprendre.
En mobilisant le nerf vague (grâce à la respiration ou au mouvement oculaire), nous pouvons apaiser ce circuit. Le corps devient alors allié de l’intégration émotionnelle.
Les cinq émotions de base : leur sens, leur message
- La Peur : elle signale un danger. Elle pousse alors à la prudence ou à l’action.
- La Colère : elle révèle souvent une atteinte à nos limites. Elle appelle à la protection ou la revendication.
- La Tristesse : elle traduit une perte. Elle invite en effet au repli, à la transformation, au deuil.
- La Joie : elle exprime quant à elle une satisfaction ou une connexion. Elle renforce d’ailleurs les liens et les répétitions de comportements positifs.
- Dégoût : il repousse ce qui est perçu comme toxique. Il s’applique en effet autant à des substances qu’à des comportements.
Chaque émotion a donc une fonction adaptative. Ce n’est pas leur existence qui pose problème, mais la façon dont nous les jugeons ou les rejetons. Notre système de croyance et nos valeurs influent sur l’interprétation positive ou négative de nos ressentis (la valence des émotions)
Réguler ses émotions : exemples concrets et exercices
Réguler la Peur :
Tout d’abord, la pratique de la respiration carrée (4 temps inspiration, 4 temps rétention, 4 temps expiration, 4 temps pause) pour calmer le système nerveux.
La Visualisation d’un lieu sûr permet aussi de retrouver une sensation de sécurité grâce à l’imagination.
Extérioriser la Colère :
En premier lieur, taper dans un coussin permet de manifester la colère sans pour autant blesser.
Deuxièmement , la pratique de la cohérence cardiaque permet de revenir au calme (3-6-5).
Accueillir la Tristesse :
Il est possible de se prodiguer d’abord un Auto-calin (havening). Ou alors de pratiquer l‘auto hypnose avec une Musique douce et parfois la mémorisation de souvenirs réparateurs.
Ancrer la Joie : Afin de savourer le présent, s’appliquer un ancrage sensoriel qui permet de savourer consciemment un aliment, marcher pieds nus dans l’herbe. La sensation se joie est alors amplifiée et cela décuple sa valence positive.
Transformer le dégoût : Prendre une pause en s’autorisant un recentrage avec la technique du scan corporel (méditation). Cela permet d’identifier enfin ce que je veux éloigner, et pourquoi c’est utile pour moi.
La théorie polyvagale rappelle que la sécurité physiologique précède l’ouverture émotionnelle. En activant le nerf vague par des exercices doux, nous nous donnons les moyens de ressentir sans nous dissoudre
Apaiser le nerf vague : exercices pratiques
Le nerf vague est un véritable chef d’orchestre de la régulation émotionnelle. Lorsqu’il est activé, il favorise ainsi la détente, l’ancrage, et le sentiment de sécurité intérieure. Pour l’apaiser, plusieurs pratiques douces peuvent être d’ailleurs intégrées au quotidien :
- Respiration profonde par le nez : inspirez tout d’abord lentement par le nez, laissez ensuite votre ventre se gonfler, puis expirez longuement par la bouche. Répétez ce cycle 5 fois en conscience.
- Stimulation du nerf vague par le chant ou le gargouillement : chanter, fredonner ou même faire vibrer le son « mmm » stimule aisi la zone du larynx et active le nerf vague.
- Bain froid ou douche fraîche : le contact avec l’eau froide sur le visage ou le cou provoque en outre une réponse vagale apaisante.
- Exercice oculaire (polyvagal) : croisez les doigts derrière la tête, regardez d’abord à droite sans bouger la tête, puis à gauche, jusqu’à ressentir une déglutition ou un soupir. Cela active en effet la réponse parasympathique.
- Cohérence cardiaque avec ancrage corporel : en position assise ou allongée, concentrez-vous d’abord sur le rythme cardiaque, associez-le à une image intérieure rassurante (un arbre, un animal calme, une lumière douce).
Ces micro-pratiques, simples et accessibles, permettent en somme de recréer une base de sécurité physiologique. C’est à partir de cet apaisement que la régulation émotionnelle devient réellement possible.
Accueillir toutes les valences : pour une agilité émotionnelle
Imaginez donc une vie sans stress, sans colère, sans peur. C’est alors une vie sans risque, sans engagement, sans amour profond. C’est une vie morte.
Accepter ses émotions, ce n’est pas tout céder à elles. C’est les considérer enfin comme des données, pas des directives. « Je ressens de la peur » ne signifie pas « je dois fuir ». Cela signifie en premier lieu: « quelque chose m’importe ».
Susan David parle alors d’agilité émotionnelle.
L’idée est donc simple :
- être capable de ressentir sans se rigidifier.
- Faire de la place à l’inconfort pour rester aligné avec ses valeurs.
Pratiques thérapeutiques : réhabiliter la valence « négative »
- TCC : Identifier les croyances automatiques du type « je ne devrais pas me sentir comme ça ». Les tester. Les remplacer.
- Hypnose : Plonger dans l’émotion non jugée, explorer l’imaginaire, dissocier sans fuir.
- IFS : Dialoguer avec les parties blessées qui portent la tristesse ou la peur. Leur redonner voix.
- RITMO-EMDR : Libérer les valences figées dans des souvenirs traumatiques. Permettre une relecture sensorielle.
Ces approches ne cherchent pas à effacer les émotions. Elles leur redonnent enfin leur juste place.
Conclusion : Oser l’entièreté
Nous sommes vivants tant que nous ressentons. La beauté de la vie est inséparable de sa fragilité. Les émotions dites négatives ne sont pas des erreurs du système. Elles sont la preuve que nous aimons, que nous nous engageons, que nous tenons à ce monde.
Alors, au lieu de chercher à réparer l’inconfort, accueillons-le. Faisons-lui de la place. Et laissons nos émotions, toutes nos émotions, nous guider vers une vie qui a du sens.
Les sources :
- Susan David : Emotional Agility (livre, TED Talk)
- Daniel Goleman : L’intelligence émotionnelle
- Brené Brown : Atlas of the Heart
- Podcasts : The Psychology Podcast, Change ma vie
- Recherches : Gross & Barrett (2022), Emotion & Valence in Adaptive Regulation












