Neurodivergence : Repenser la Différence

Comme une Autre Manière de Percevoir le Monde

Vous êtes-vous déjà demandé pourquoi votre cerveau semble fonctionner différemment de celui des autres ?

Peut-être ressentez-vous une hypersensibilité aux bruits environnants? une difficulté à maintenir votre concentration sur des tâches qui ne vous passionnent pas? ou encore remarquez vous une pensée qui fonctionne par associations inhabituelles? Autisme, TDAH, haut potentiel intellectuel : ces mots circulent de plus en plus, mais que recouvrent-ils vraiment ? Loin de se limiter à des diagnostics médicaux, ces fonctionnements atypiques révèlent une autre manière de percevoir et d’habiter le monde. La société valorise la norme neurotypique. Les personnes neurodivergentes ont longtemps été perçues à travers le prisme du déficit et de la pathologie. Pourtant, les recherches récentes montrent que ces cerveaux différents apportent une richesse cognitive considérable. Notamment ils font preuve de créativité, d’innovation et de résolution de problèmes. 

 Cet article propose un voyage au cœur de la neurodiversité. La connaissance de celle ci  invite à reconnaître la pluralité des fonctionnements cognitifs comme une force plutôt qu’un handicap. Nous explorerons les fondements scientifiques des neuroatypismes: l’autisme, le TDAH et le haut potentiel (HPI). Nous comprendrons leurs chevauchements et leurs spécificités, ainsi que les stratégies thérapeutiques et d’accompagnement qui respectent l’authenticité neurodivergente. Vous découvrirez également dans un l’article suivant un questionnaire d’auto-évaluation. Vous  un programme d’accompagnement sur 8 semaines pour mieux comprendre votre fonctionnement unique et construire un quotidien aligné avec vos besoins réels.

Comprendre la Neurodivergence : Au-Delà des Étiquettes Diagnostiques

cerveau atypique

Le terme neurodivergence désigne les variations naturelles du fonctionnement neurologique humain. L’idée générale diffuse que le cerveau devrait suivre un modèle unique et « normal ». La neurodiversité reconnaît  au contraire qu’il existe une multitude de façons de penser, d’apprendre et d’interagir avec le monde. Cette perspective s’oppose au modèle médical traditionnel. Celui-ci pathologise les différences neurologiques. Il cherche à « corriger » ou « normaliser » les individus neurodivergents. Les personnes neurodivergentes incluent notamment celles qui présentent un trouble du spectre de l’autisme (TSA), un trouble déficitaire de l’attention avec ou sans hyperactivité (TDAH), un haut potentiel intellectuel (HPI), ou encore des troubles d’apprentissage comme la dyslexie.

La neurodivergence n’est pas un diagnostic en soi, mais plutôt un terme parapluie qui englobe différents profils cognitifs atypiques. Selon les estimations récentes, entre 15 et 20% de la population mondiale serait neurodivergente. Pourtant, de nombreuses personnes vivent des décennies sans comprendre pourquoi elles se sentent différentes. Les femmes et les personnes issues de milieux culturels divers, notamment sont souvent sous-diagnostiquées. Les critères diagnostiques traditionnels sont élaborés principalement à partir d’observations d’enfants blancs de sexe masculin. Ils ont longtemps occulté la diversité des présentations neurodivergentes. Aujourd’hui, la recherche reconnaît que l’autisme et le TDAH se manifestent différemment selon le genre, l’âge et le contexte culturel.

La Neurodivergence : le masking et le diagnostique tardif

Un aspect fondamental de la neurodivergence est le phénomène du masking ou camouflage social. Cela consiste à dissimuler ses traits neurodivergents pour se conformer aux attentes neurotypiques. Cette stratégie d’adaptation est souvent mise en place inconsciemment dès l’enfance. Elle permet de « passer pour normal » mais engendre un coût psychologique considérable. Les études montrent que le masking est associé à des niveaux élevés d’anxiété. Elles établissent aussi un lien avec  la dépression, l’épuisement professionnel et même un risque accru de pensées suicidaires. Pour de nombreux adultes, la découverte de leur neurodivergence survient après des années de lutte pour comprendre leurs difficultés. Cette prise de conscience est parfois appelée diagnostic tardif. Elle peut déclencher un profond processus de reconstruction identitaire. Cela  mêle soulagement, validation, mais aussi parfois deuil de la personne qu’on croyait être.

Qu'est-ce que la Neurodiversité ?

neuro atypique TDAH TSA HPI

  • La neurodiversité est un concept forgé dans les années 1990 par la sociologue australienne Judy Singer. Elle était elle-même autiste. La neurodiversité  désigne la diversité naturelle des cerveaux humains. Ce terme s’inscrit dans une logique de justice sociale et d’inclusion. Cette appellation refuse de considérer les différences neurologiques comme des pathologies à éradiquer. Le ponit de vue de la neurodiversité s’appuie sur le modèle social du handicap. Celui-ci postule que ce n’est pas la différence neurologique elle-même qui est handicapante. Ce sont bien les barrières environnementales et sociales qui empêchent les personnes neurodivergentes de s’épanouir. Par exemple, un environnement professionnel bruyant et surchargé visuellement sera désavantageux pour une personne autiste. Celle ci est en effet hypersensible aux stimuli sensoriels,  parce que l’espace n’a pas été conçu en tenant compte de ses besoins.

Vivre selon son neurotype

 Le mouvement de la neurodiversité revendique le droit pour les personnes neurodivergentes de vivre selon leur propre neurotype.  Elle ne doivent pas  être contraintes de se conformer aux normes neurotypiques. Cela implique un changement radical de perspective.  Plutôt que de chercher à « guérir » l’autisme ou à « normaliser » les comportements TDAH, l’approche neurodiversitaire vise à créer des environnements inclusifs. Ceux ci valorisent les forces uniques de chaque cerveau. Les personnes neurodivergentes ne sont pas « cassées » : elles sont simplement différentes, et cette différence apporte une contribution précieuse à la société.

Toutefois, la neurodiversité ne nie pas les défis réels que peuvent rencontrer les personnes neurodivergentes, notamment en termes de régulation sensorielle, de gestion des émotions ou de fonctions exécutives. L’objectif n’est pas de romantiser la neurodivergence, mais de reconnaître que ces difficultés sont souvent amplifiées par un environnement inadapté. En repensant nos espaces de travail, nos systèmes éducatifs et nos relations sociales à travers le prisme de la neurodiversité, nous pouvons créer une société plus équitable où chacun peut exprimer son plein potentiel.

Le Modèle Médical vs le Paradigme de la Neurodiversité

neurodiversité HPI TSA TDAH

Pendant des décennies, le modèle médical a dominé la compréhension des conditions neurodéveloppementales comme l’autisme et le TDAH. Ce modèle considère la neurodivergence comme une pathologie ou un trouble devant être diagnostiqué, traité et si possible « guéri ». Les descriptions cliniques regorgent de termes stigmatisants : « déficit », « dysfonction », « comportements restreints et répétitifs », « atteintes de la communication sociale ». Cette approche a conduit à des interventions visant à « normaliser » les personnes neurodivergentes. Cela se fait  parfois au prix d’une souffrance psychologique importante et d’une négation de leur identité.

Le point de vue de la neurodiversité propose une rupture radicale avec cette vision déficitaire. Il s’inscrit dans la lignée du modèle social du handicap. Celui ci a été développé par les mouvements de défense des droits des personnes handicapées. Selon ce modèle, le handicap n’est pas une caractéristique intrinsèque de la personne, mais résulte de l’interaction entre les différences individuelles et un environnement inadapté. Ainsi, une personne autiste n’est pas handicapée par son autisme en soi. Elle est stigmatisée par une société qui impose des codes sociaux opaques. Par ailleurs, des environnements sensoriellement agressifs et des attentes rigides de comportement amplifient ce phénomène.

Adapter environnement vers la Neurodiversité

Cette distinction est cruciale pour comprendre les enjeux éthiques et pratiques de l’accompagnement des personnes neurodivergentes.  Le point de  vue de la neurodiversité préconise d’adapter l’environnement et les pratiques sociales . Ces méthodes permettent d’ accueillir la diversité cognitive. Cela évite de chercher à modifier la personne. On ne la force pas à s’adapter à la norme. Cela peut passer par des aménagements raisonnables au travail (horaires flexibles, bureau calme, consignes écrites claires). Par ailleurs,  des approches pédagogiques différenciées à l’école, ou encore des modalités de communication adaptées dans les relations interpersonnelles.

Néanmoins, certains critiques du mouvement de la neurodiversité . Ils soulignent que ce point de vue, minimise les difficultés réelles vécues par certaines personnes neurodivergentes.  Ainsi sont concernées celles qui nécessitent un soutien important. C’est pourquoi des chercheurs proposent une approche interactionniste ou écologique. Celle ci reconnaît à la fois l’existence de différences neurologiques intrinsèques et l’importance des facteurs environnementaux dans la création du handicap. Cette position intermédiaire permet de valider les besoins de soutien des personnes neurodivergentes tout en rejetant la stigmatisation et en célébrant leurs forces uniques.

Implications pour la Pratique Clinique

neuro développement HPI TSA TDAH

  • L’adoption d’une perspective neurodiversitaire transforme radicalement la pratique clinique en psychothérapie et en accompagnement. Plutôt que de viser la suppression des comportements autistiques ou TDAH, une approche neuro-affirmative cherche à soutenir la personne dans son authenticité, à développer des stratégies de régulation adaptées à son profil neurologique et à l’aider à naviguer dans un monde souvent conçu pour les neurotypiques. Cela implique d’abandonner le langage pathologisant au profit d’un vocabulaire qui reconnaît les différences plutôt que les déficits. Par exemple, au lieu de parler de « troubles de la communication sociale », on évoquera des « différences dans les styles de communication ».

    Les interventions thérapeutiques sont personnalisées et tiennent compte des forces et des défis spécifiques de chaque personne neurodivergente. La thérapie cognitivo-comportementale (TCC), par exemple, est efficace pour certaines personnes autistes ou TDAH. Elle  utilise des supports visuels, et explicite les étapes de façon concrète. Elle intégre des ajustements sensoriels. De même, les approches de mindfulness et d’hypnose respecte les particularités neurodivergentes, comme les difficultés d’intéroception (perception des sensations corporelles internes).  Ainsi, ces methodes respectent le besoin de stimulation externe pour rester régulé.  L’objectif n’est jamais de « réparer » la personne, mais de l’accompagner vers une meilleure compréhension d’elle-même et un épanouissement authentique.

Autisme, TDAH et Haut Potentiel : Des Fonctionnements qui se Chevauchent

HPI TSA TDAH

  • L’une des découvertes majeures de la recherche récente est le chevauchement important entre l’autisme, le TDAH et le haut potentiel intellectuel. Ces trois profils neurodivergents partagent de nombreuses caractéristiques communes. Ce qui complique souvent le diagnostic et crée une confusion pour les personnes concernées. Les études montrent que 22 à 83% des enfants autistes répondent également aux critères diagnostiques du TDAH.  Et inversement, 30 à 65% des enfants avec TDAH présentent des traits autistiques significatifs. De plus, environ 50 à 72% des gènes impliqués dans l’autisme sont également associés au TDAH.

    Les traits communs entre autisme, TDAH et haut potentiel incluent notamment la sensibilité émotionnelle.  Les différences sensorielles sont également partagées. Tout comme un fonctionnement guidé par les intérêts. On note également un développement asynchrone (où certaines compétences sont très avancées tandis que d’autres sont en décalage). Les modes d’apprentissage uniques associés à une curiosité intense sont communs. Les difficultés de fonctions exécutives sont notables, la pensée divergente et créative également. Par exemple, une personne autiste peut montrer une hyperfocalisation sur un sujet d’intérêt spécifique. Ce trait est également observé chez les personnes TDAH lorsqu’elles sont passionnées par quelque chose. De même, les personnes à haut potentiel intellectuel peuvent présenter une pensée en arborescence et une hypersensibilité sensorielle.  Ces caractéristiques rappellent les expériences autistiques.

Spécificités distinctes: Autisme, TDAH et Haut Potentiel

 Cependant, chaque profil présente aussi des spécificités distinctes. L’autisme se caractérise par des différences marquées dans la communication sociale.  Une préférence pour la routine et la prévisibilité est également notable. On note également souvent une perception sensorielle atypique. Le TDAH implique une attention fluctuante, une impulsivité, une hyperactivité physique ou mentale, et des difficultés dans la gestion du temps et de l’organisation. Le haut potentiel se distingue par une rapidité de traitement cognitif, une pensée abstraite développée précocement, une conscience émotionnelle aiguë et un intérêt pour les questions existentielles dès le jeune âge. Néanmoins, ces catégories ne sont pas étanches : de nombreuses personnes sont doublement exceptionnelles (ou « twice-exceptional »), présentant à la fois un haut potentiel et un trouble neurodéveloppemental comme l’autisme ou le TDAH.

Le Concept de "Twice-Exceptionality"

fonctionnement neuro atypique

  • Les personnes doublement exceptionnelles cumulent des capacités intellectuelles élevées et des défis neurodéveloppementaux. Cela crée un profil complexe et souvent mal compris. Cette double particularité peut masquer l’une ou l’autre facette.  Une enfant très intelligente pourra compenser ses difficultés autistiques. Elle retarde ainsi le diagnostic. À l’inverse, les défis comportementaux ou d’apprentissage peuvent occulter le potentiel intellectuel. Cela mène à une sous-estimation des capacités. Une étude de Gelbar et al. (2021) a identifié des patterns récurrents chez les personnes autistes et douées. Un raisonnement verbal fort, des intérêts restreints mais approfondis sont présents. Une mémoire exceptionnelle mais aussi des dysfonctionnements exécutifs sont constatés. Tout comme des difficultés sociales et une anxiété élevée apparaissent dans l’étude.

    Huey et al. (2024) rapportent le cas d’élèves identifiés comme doués mais jamais évalués pour l’autisme, malgré une dysrégulation émotionnelle manifeste et une confusion sociale évidente. L’hypothèse sous-jacente était simple mais erronée : « Il est trop intelligent pour être autiste ». Cette croyance reflète une méconnaissance profonde de la diversité des profils neurodivergents. En réalité, l’intelligence et la neurodivergence ne s’excluent pas mutuellement ; elles coexistent et interagissent de manière unique chez chaque individu. Reconnaître et soutenir cette double exceptionnalité nécessite une approche holistique qui valorise les forces tout en fournissant les aménagements nécessaires pour pallier les défis.

Les Forces Uniques des Cerveaux Neurodivergents

neuro divergence différence

Loin de se limiter à des déficits, la neurodivergence apporte des forces cognitives uniques qui enrichissent considérablement la société. Les recherches montrent que les personnes neurodivergentes excellent souvent dans des domaines spécifiques, apportant une créativité, une innovation et une résolution de problèmes hors du commun. Une étude publiée dans le Journal of Autism and Developmental Disorders a révélé que les personnes autistes obtiennent des scores significativement plus élevés dans les mesures de pensée divergente (la capacité à générer plusieurs solutions originales à un problème) par rapport aux personnes neurotypiques. Cette capacité à « penser autrement » est un atout majeur dans des contextes nécessitant de l’innovation.

Cerveaux Neurodivergents: hyperfocalisation, abstraction, créativité

 Les personnes autistes présentent souvent une attention aux détails exceptionnelle . Elles ont également une capacité à reconnaître des patterns complexes que d’autres ne perçoivent pas. Cette aptitude est particulièrement précieuse dans des domaines comme l’analyse de données. Cette compétence se développe dans  la recherche scientifique. Elle s’appliquent à la programmation informatique ou encore le design. De leur côté, les personnes TDAH démontrent fréquemment une hyperfocalisation sur des tâches qui les passionnent. Cela  permet une productivité et une créativité remarquables lorsqu’elles sont engagées dans un projet qui les stimule. Leur capacité à penser en dehors des sentiers battus et à générer rapidement de nombreuses idées est un atout considérable dans les environnements dynamiques et créatifs.

Les personnes à haut potentiel, quant à elles, se distinguent par leur rapidité de traitement cognitif, leur aptitude à établir des connexions entre domaines variés et leur capacité d’abstraction développée précocement. Leur pensée systémique leur permet d’appréhender des problématiques complexes de manière holistique. Lorsque ces différentes forces se combinent — comme chez les personnes doublement exceptionnelles — le potentiel d’innovation est décuplé. Des études ont montré que les équipes incluant des personnes neurodivergentes sont souvent plus créatives et productives que les équipes homogènes. Une recherche a démontré que lorsque des personnes neurodivergentes travaillent ensemble pour résoudre un problème, elles génèrent une gamme plus large et plus diverse de solutions que des paires neurotypiques, témoignant d’une pensée divergente accrue.

Valoriser la Neurodiversité en Milieu Professionnel

neurodiversité talents HPI TSA TDAH

Les entreprises avant-gardistes ont compris la valeur stratégique de la diversité cognitive. Des géants de la Silicon Valley comme SAP, Microsoft, Hewlett Packard Enterprise, Dell et JPMorgan Chase ont mis en place des programmes de recrutement spécifiquement conçus pour attirer et retenir les talents neurodivergents. Ces initiatives transforment les processus de recrutement traditionnels. Ceux ci sont souvent inadaptés aux personnes neurodivergentes (par exemple, en remplaçant les entretiens oraux stressants par des évaluations basées sur les compétences).  Elles créent des environnements de travail inclusifs.

Les bénéfices pour les organisations sont tangibles. Des recherches indiquent que les équipes neurodiverses peuvent être jusqu’à 30% plus productives que leurs homologues neurotypiques. Dans certains rôles technologiques, les employés neurodivergents affichent une productivité etonnante. Elle est de 90 à 140% supérieure à celle de leurs collègues neurotypiques. Au-delà de la productivité, la neurodiversité stimule l’innovation : les différentes façons de penser et d’aborder les problèmes enrichissent la créativité collective et permettent d’identifier des solutions que des équipes homogènes n’auraient pas envisagées. Selon le World Economic Forum, l’intégration de la neuro-inclusion dans les stratégies de santé au travail améliore le bien-être des employés, réduit le turnover et favorise un environnement psychologiquement sûr.

Pour maximiser ces avantages, les organisations doivent adopter des pratiques inclusives concrètes. Cela inclut la création d’espaces de travail sensoriellement adaptés (zones calmes, éclairage ajustable, possibilité de télétravail). on privilégie la fourniture de consignes claires et écrites. On encourage la flexibilité des horaires, l’utilisation d’outils de gestion de projet visuels. Enfin, on  forme des managers à la neurodiversité. On personnalise l’approche personnalisée : chaque personne neurodivergente a des besoins uniques. Un dialogue collaboratif entre l’employé et l’employeur est essentiel pour identifier les aménagements appropriés.

Neurodivergence et Relations : Communication et Intimité

TND neuronivergence

  • Les relations interpersonnelles, qu’elles soient amicales, familiales ou amoureuses, peuvent représenter un défi particulier pour les personnes neurodivergentes. Les différences dans les styles de communication et les attentes sociales créent souvent des malentendus et des frustrations, tant pour les personnes neurodivergentes que pour leurs partenaires neurotypiques. Dans les couples neurodivers (où un partenaire est neurodivergent et l’autre neurotypique, ou où les deux partenaires présentent des neurodivergences différentes), ces écarts de fonctionnement peuvent générer des tensions si les partenaires ne comprennent pas mutuellement leurs besoins et modes d’expression.

Neurodivergence: communication et expression émotionelle

Les personnes autistes, par exemple, peuvent avoir une communication directe et littérale, préférant éviter les sous-entendus et les codes sociaux implicites. Elles peuvent également présenter des différences dans l’expression émotionnelle, n’utilisant pas nécessairement le même langage corporel ou les mêmes intonations que les personnes neurotypiques. Cela ne signifie pas qu’elles manquent d’empathie, contrairement à un stéréotype persistant, mais plutôt qu’elles expriment et perçoivent l’empathie différemment. Les recherches contemporaines démontrent que les difficultés de communication dans les couples neurodivers résultent souvent d’un problème de « double empathie » : chaque partenaire a du mal à se mettre à la place de l’autre en raison de différences fondamentales dans le traitement de l’information sociale.

Les personnes TDAH, quant à elles, peuvent éprouver des difficultés avec la régulation de l’attention dans les conversations, semblant distraites ou interrompant fréquemment, non par manque d’intérêt mais en raison de leur impulsivité cognitive. Elles peuvent aussi vivre les émotions de façon très intense et fluctuante, ce qui peut déstabiliser un partenaire neurotypique habitué à une expression émotionnelle plus stable. Dans les relations intimes, ces différences nécessitent une adaptation mutuelle et une communication explicite des besoins. Par exemple, un partenaire neurodivergent pourrait exprimer : « J’ai besoin que tu me dises clairement si quelque chose te contrarie, car j’ai du mal à détecter les signaux subtils », tandis qu’un partenaire neurotypique pourrait dire : « J’ai besoin que tu me regardes de temps en temps pendant nos conversations, même si le contact visuel est difficile pour toi ».

Stratégies pour des Relations Épanouies

trouble neuro développementaux HPI TSA TDAH

  • Pour cultiver des relations saines et satisfaisantes, les couples neurodivers bénéficient de stratégies de communication adaptées. Mitran (2022) propose un cadre systémique pour accompagner ces couples, soulignant l’importance de reconnaître que les partenaires « parlent des langues différentes » en raison de leurs câblages neuronaux distincts. Une première étape consiste à identifier et valider les différences de communication : plutôt que de percevoir ces différences comme des défauts, il s’agit de les comprendre comme des variations naturelles.

    La communication directe et concrète est souvent plus efficace dans les couples neurodivers. Au lieu de compter sur les sous-entendus ou l’intuition, les partenaires apprennent à exprimer leurs besoins de façon explicite et factuelle. Par exemple, au lieu de dire « Tu ne m’aides jamais à la maison » (une généralisation qui peut être perçue comme accusatrice), il est préférable de formuler : « J’apprécierais que tu m’aides à faire la vaisselle ce soir ». La mise en place de routines et de rituels prévisibles peut également rassurer les partenaires neurodivergents qui ont besoin de structure. Enfin, il est crucial de reconnaître et de respecter les besoins sensoriels et énergétiques de chacun. Une personne autiste peut avoir besoin de temps seul pour se réguler après une journée socialement épuisante, et ce besoin de solitude ne doit pas être interprété comme un rejet du partenaire.

Le Masking et ses Conséquences sur la Santé Mentale

cerveau tnd hpi TSA TDAH

Le masking, ou camouflage social, est une stratégie d’adaptation courante chez les personnes neurodivergentes. Elle consiste à dissimuler leurs traits autistiques, TDAH ou autres pour se conformer aux normes neurotypiques. Cette pratique peut inclure l’imitation du langage corporel et des expressions faciales. Il y a aussi la mémorisation de scripts sociaux.  Le maintien du contact visuel malgré l’inconfort participe au masking. Il provoque la suppression des comportements de stimming (mouvements répétitifs auto-régulateurs).  Le masking  pousse à l’adoption d’une personnalité « socialement acceptable ». De nombreuses personnes neurodivergentes développent ces stratégies dès l’enfance, souvent inconsciemment, en réponse aux jugements et aux rejets sociaux.

Le Masking : depense d'énergie colossale

 Si le masking peut temporairement faciliter l’intégration sociale et professionnelle, il entraîne des conséquences néfastes considérables sur la santé mentale. Les recherches montrent que le masking est fortement associé à l’anxiété, la dépression. Il l’est aussi à l’épuisement professionnel (burnout neurodivergent), une faible estime de soi . Il implique également un sentiment d’inauthenticité. Une étude récente a révélé que les scores de camouflage prédisent fortement les niveaux d’anxiété et de dépression. Ce phénomène concerne aussi bien les personnes neurodivergentes que neurotypiques. Le masking implique une dépense énergétique colossale. Ainsi, surveiller constamment son comportement, inhiber ses réactions naturelles et jouer un rôle épuise littéralement les ressources cognitives et émotionnelles.

À long terme, le masking peut mener à une perte d’identité : à force de jouer un personnage, certaines personnes finissent par ne plus savoir qui elles sont vraiment. Des témoignages de personnes neurodivergentes expriment ce sentiment de « ne pas se connaître » après des décennies de camouflage. De plus, le masking est lié à un risque accru de suicide chez les personnes autistes. Des études ont établi que plus une personne masque ses traits autistiques, plus son risque de pensées suicidaires est élevé. Ce constat alarmant souligne l’urgence de créer des environnements où les personnes neurodivergentes peuvent être authentiques sans crainte de rejet ou de discrimination.

Vers un "Unmasking" Sécurisé

HPI TSA TDAH Différences

Le processus d’« unmasking » (démasquage) consiste à progressivement abandonner les stratégies de camouflage pour révéler son véritable moi neurodivergent. Ce cheminement est souvent décrit comme libérateur mais aussi délicat, car il implique de défier des années de conditionnement social. Pour de nombreuses personnes, l’unmasking débute après un diagnostic tardif . Parfois, c’est une prise de conscience de leur neurodivergence à l’âge adulte. Cette phase de transition peut s’accompagner d’une exploration de ses véritables besoins sensoriels, communicationnels et émotionnels.

Cependant, l’unmasking doit se faire de manière sécurisée et progressive. Il est important d’évaluer dans quels contextes il est sûr de se démasquer : certains environnements (comme des lieux de travail peu inclusifs ou des relations toxiques) peuvent ne pas être propices à l’authenticité. Un accompagnement thérapeutique peut faciliter ce processus en aidant la personne à identifier ses comportements de masking, à comprendre leurs origines et à expérimenter graduellement de nouvelles façons d’être.

L’unmasking n’est pas une obligation ni un processus linéaire : chacun choisit le niveau d’authenticité qui lui convient selon ses circonstances.

Interventions Thérapeutiques Adaptées : TCC, Mindfulness et Hypnose

TND neurodivergence

Les interventions thérapeutiques pour les personnes neurodivergentes doivent impérativement être adaptées à leurs particularités cognitives et sensorielles. La thérapie cognitivo-comportementale (TCC), considérée comme l’approche « gold standard » pour de nombreux troubles psychologiques, peut être efficace pour les personnes autistes et TDAH, à condition d’être modifiée pour tenir compte de leur fonctionnement unique. Une étude récente sur l’intervention CBT-DAY (Cognitive Behavioral Therapy for Depression in Autistic Youth), co-créée avec des membres de la communauté autiste, a montré des résultats prometteurs. Cette approche combine des principes TCC avec une perspective neuro-affirmative, ciblant la réactivité émotionnelle et l’estime de soi pour améliorer les symptômes dépressifs chez les jeunes autistes.

Vous découvrirez  dans un l’article suivant les thérapies adaptées, un questionnaire d’auto-évaluation et un programme d’accompagnement sur 8 semaines pour mieux comprendre votre fonctionnement unique et construire un quotidien aligné avec vos besoins réels.

Envie d’en parler ?

outils thérapie dépression microbiote

Les ressources :